• Face à l'offensive libérale, l'Organisation internationale du travail fait de la résistance

    Ecrit le 3 mars 2012

    L'Organisation internationale du travail est la plus ancienne des organisations de l'ONU. Elle a été créée en 1919, à l'issue de la première guerre mondiale, avec pour mission de promouvoir la justice sociale et de faire respecter les droits de l'homme dans le monde du travail.

    L'OIT est la seule institution tripartite de l'ONU. Les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs participent sur un pied d'égalité aux discussions et à la prise de décision.

    La conférence internationale du travail est l'instance suprême de l'OIT. Elle se réunit à Genève tous les ans pendant trois semaines au mois de juin. Entre autres, elle élabore en commissions puis adopte en séances plénières des « conventions », qui définissent des normes internationales du travail. Lors de sa dernière conférence en 2011, l'OIT a adopté une convention qualifiée « d'historique » pour accorder un minimum de droits au personnel domestique. Pour entrer en vigueur, une convention doit être ratifiée par au moins deux pays ; mais ensuite elle s'impose à tous les autres pays qui doivent à leur tour la ratifier, mettre en conformité leur législation nationale et l'appliquer.

    La France a fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre de l'OIT, notamment concernant son usage du droit de réquisition pendant les grèves de l'automne 2010. Des syndicats ont déposé plainte devant le Comité de la liberté syndicale de l'OIT, qui a pris le le 17 novembre 2011 un arrêté condamnant la pratique du gouvernement français en la matière et lui demandant de réserver ce droit de réquisition aux situations exceptionnelles pour lequel il est prévu.

    Les normes produites par l'OIT constituent donc une garantie pour les travailleurs, qui ne sont pas du goût de tout le monde. Les Etats traînent les pieds et rechignent à ratifier les conventions comme ils le devraient. Cette situation a amené l'OIT à adopter en 1998 une Déclaration, rappelant au Etats leur obligation, du seul fait de leur adhésion à l'Organisation, de « de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits sociaux fondamentaux » tels qu'ils sont définies par huit conventions qui définissent un seuil de doits fondamentaux.

    La Chronique internationale de l'IRES, dans son numéro de septembre 2011, fait le point sur l'application réelle de ce droit international. Plus d'un travailleur sur deux (51%) vit dans un pays qui n'a pas ratifié ces huit conventions. On constate également une difficulté dans la mise en conformité dans les législations nationales. Les Etats rusent pour s'exempter de leurs engagements : ainsi l'absence de ratification « présente l’avantage, lors de l’examen annuel par l’OIT du respect des conventions ratifiées, de ne pas être interpellés sur l’application des conventions mais sur l’absence de ratification. Ces pays sont ainsi vilipendés sur la forme, à savoir sur la non-ratification et non sur le fond, l’application et le respect des normes du travail. » Par ailleurs, à l'intérieur de l'Organisation, les employeurs tendent de faire prévaloir des instruments tels les « codes de bonne conduite » en lieu et place de dispositifs légaux contraignants.

    Lors de la conférence de juin 2011, le Directeur général de l'Organisation, Juan Somavia, a souligné la situation inquiétante des travailleurs dans le monde, la montée du chômage, et le fait que près de la moitié de la population active mondiale occupée vive avec moins de deux dollars par jour. Il fait le constat que que le modèle de croissance créée des inégalités, que les salaires stagnent alors que la productivité s'accroît ; il plaide pour que le système financier soit mis au service de l'économie réelle.

    Plus récemment, l'OIT a publié en janvier un rapport (1)  qui tord le cou au modèle allemand, et au mythe qui voudrait que l'amélioration de la « compétitivité » par la « baisse du coût du travail » soit une solution de sortie de crise. Le rapport critique les mesures prises par Schröder de 2003 remettant en cause l'indemnisation du chômage, entraînant en une décennie une chute des salaires et un accroissement vertigineux des inégalités. Cette « compétitivité » sur le dos des travailleurs, est pour l'OIT la « cause structurelle des difficultés récentes dans la zone euro».

    Les évolutions de l'Organisation internationale du travail, où les représentants des travailleurs se retrouvent face à des Etats réticents et à des organisations patronales offensives, sont décidément à suivre.

     

     

    (1) Libération du 24 janvier 2011


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