• L'idéologie libérale et son emprise

    Ecrit le 11 octobre 2011

     

    Le « libéralisme » n'exercerait pas son emprise sur le monde sans l'empire de son idéologie, la façon dont il rend compte du monde, établit l'échelle des valeurs, et justifie les comportements qui vont dans le sens des intérêts des classes dominantes.

     

    L'idéologie du libéralisme s'appuie sur la « science » économique, sur un certain discours économique qui est essentiellement un habillage habile de l'injonction à se soumettre à l'ordre capitaliste. L'examen du rapport entre les « préceptes » et la réalité -un examen qui est du ressort du simple citoyen- conduit à deux ou trois conclusions basiques : un, l'application de ces préceptes  est à géométrie variable ; deux, les politiques qui s'appuient sur les préceptes de la « théorie » libérale sont toujours favorables à la concentration de la richesse et du pouvoir économique, elles s'effectuent toujours au détriment des travailleurs, elles ne font qu'accroître les inégalités ; trois, la théorie « libérale » est sans cesse démentie par les faits : l'application de la politique libérale détruit les économies, génère les crises et le chaos.

     

     Une des grandes malhonnêtetés de ce discours est la référence à la liberté, à l'usage du mot « libre ». Il définit le « marché » comme le lieu suprême de la liberté et de son exercice. Mais cette liberté est toute théorique ; elle est invoquée par les puissants seulement quand les rapports de pouvoir sont bien en place. Ce n'est rien d'autre que l'affirmation du droit du renard à rentrer « librement » dans tous les poulaillers. Nos libertés réelles, basiques, sont de plus en plus mises à mal, tandis que la « liberté économique » est abusivement assimilée à la liberté politique, avec le goulag en toile de fond pour servir de repoussoir.

     

     Prenons par exemple le « libre-échange ». Le libre-échange n'existe pas, c'est une fiction. Entre Etats, cela permet aux puissances économiques dominantes d'imposer leur suprématie aux plus faibles. Au nom de la « libre concurrence » censée amener la gestion optimale des ressources, les institutions politiques telles l'Union européenne, l'OMC... pourchassent les dispositions protégeant les citoyens, dispositions toujours hautement suspectées, et le plus souvent accusées d'être des entraves à la « libre concurrence ». Mais les bas salaires, la répression syndicale, le dumping fiscal, le laxisme des législations environnementales... ne sont jamais considérés par nos vénérables institutions multilatérales comme des facteurs de distorsion au libre jeu de la concurrence. Deux poids deux mesures ! Et que dire des subventions des pays riches pour concurrencer la production des pays du Sud ? L'ONG ActionAid dénonce la concurrence du lait en poudre de la marque suédo-danoise Dano au Bangladesh : ses ventes sont une concurrence sérieuse à la constitution d'une véritable filière lait dans ce pays ; l'ONG estime à 15% la part des subventions dans son prix à l'exportation en 2009. On pourrait multiplier les exemples.

     

     Face à ces gouffres entre les discours tenus et la réalité, on ne peut que s'interroger sur ce qui fait que cette idéologie fonctionne toujours. Comment expliquer que des politiques dont le postulat de base est « l'efficience des marchés » soient toujours poursuivies ? Comment expliquer que la destruction de notre protection sociale, de nos services publics, de notre tissu industriel, conduite au nom de principes économiques dont la pertinence est démentie chaque jour de façon plus accablante, ne soit pas remise en cause ?

     

     

    Comment se fait-il que les aspirants du PS à la candidature présidentielle se réclamant du « sérieux », du « réalisme », autrement dit de la soumission aux puissance de l'argent, via les agences de notation, puissent apparaître aux yeux de certains comme présentant une solution crédible ? Comment accepter que nos gouvernements élus se fassent noter comme des gamins par des agences de notation qui ont décerné leur fameux triple AAA à la banque Lehman Brothers dont l'effondrement a provoqué un rebond de la crise ?

     

    Comment accepter que la BCE vienne, avec le FMI et l'Union européenne, priver des peuples de leur souveraineté, enjoindre des gouvernements de pressurer les citoyens, au nom de leur dette, quand au mois de novembre elle aura à sa tête Mario Draghi, un des gros bonnets en Europe de la Goldman Sachs à l'époque où la banque d'affaire avait si complaisamment aidé la Grèce à « arranger » ses comptes ? Sommes-nous tous tombés sur la tête ?

     

    Qu'il y a-t-il d'autres comme explication pour rendre compte de la persistance de l'acceptation de l'idéologie libérale que la peur du vide ? Car en face il y a certes des révoltes, des résistances, des propositions, des débats, mais rien qui fournisse l'équivalent de cette idéologie qu'il faut pourtant bien congédier de manière radicale. N'y-a-t-il pas la peur de l'inconnu, du saut à franchir, car nous sentons tous plus ou moins confusément que nous ne pourrons pas nous en tirer par un simple réaménagement de surface. La remise en cause de l'idéologie libérale touche au lien social parce qu'elle a institué comme valeur suprême et mesure de toute chose la concurrence (déguisée en compétitivité), la lutte de tous contre tous. Et pour sortir de cette impasse, il va falloir tout reconstruire : la politique, l'économie, les institutions... en plaçant la solidarité et la coopération au coeur de toute nos organisations sociales. Il y a peut être de quoi hésiter ; certains peuvent préférer l'aveuglement pour ne pas avoir le vertige et continuer à bricoler leurs petits arrangements dans le monde tel qu'il est. Mais le monde « tel qu'il est » va au devant de sacrées secousses.... Il va bien nous falloir bâtir une autre représentation du monde, base d'un nouveau contrat social, pour rebâtir sur les désastres du capitalisme.


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