• La finance et les multinationales

    Ecrit le 6 octobre 2012, et toujours d'actualité

    Dans les discours qui dénoncent l'emprise du capitalisme sur le monde, la figure de la « finance » représente en quelque sorte « l'adversaire ». Le capitaliste, c'est le financier, celui qui s'abat sur des entreprises comme un vautour sur sa proie, et qui en extrait un maximum de plus value, puis s'en débarrasse quand les conditions de valorisation du capital ne sont plus réunies, laissant les travailleurs sur le carreau, l'économie des territoires destructurée, avec parfois en prime d'importants dégâts environnementaux.

    La « finance »  a ainsi quelque peu relégué au deuxième plan des analyses l'autre figure qui avait jusqu'à pas si longtemps tenu le rôle d'acteur avancé du capitalisme, à savoir les multinationales.

    Ce glissement dans les discours correspond à une réalité, celle d'une politique libérale favorable à l'accroissement des capitaux financiers (entre autre par une politique des taux d'intérêt, un contrôle de l'inflation favorables aux rentiers), et à leur mobilité. Les détenteurs de capitaux financiers réaffirment leur propriété du capital productif, celui qui organise la production concrète des richesses, et exigent une rentabilité maximum des capitaux investis.

    Mais cette dénonciation de la « finance » sur la production tend (un peu) à faire un peu oublier que la classe capitaliste ne se résume pas à une classe d'actionnaires déconnectés de la façon dont se fabriquent leurs dividendes. Les multinationales, celles qui organisent la production, ont inter-agi avec la croissance du capital financier, liquide, mobile, susceptible de retirer ses billes à tout moment. Elles ont mis en œuvre diverses stratégies, dont celles de la concentration pour parvenir à éliminer et absorber leurs concurrentes, jusqu'à ce que ne subsistent plus que quelques firmes en situation d'oligopoles. Pour mettre en œuvre ces stratégies, elles ont du mobiliser d'énormes réserves financières et devenir elles-mêmes des financiers. Par le jeu des participations croisées, de la diversification des patrimoines, la classe capitaliste, en son noyau dur, celui qui est au sommet des affaires, est soudée dans un même projet de dominer le monde, par delà les conflits qui peuvent l'agiter.

    La dénonciation de la finance ne doit faire oublier le rôle des multinationales dans la mise en œuvre de la division internationale du travail, pour profiter de la proximité des marchés les plus prometteurs, d'une part, et de l'autre des plus bas coûts de production. Actuellement, les marchés les plus prometteurs sont les pays émergents, et les plus bas coûts de production se trouvent en Europe de l'Est, en Asie, en Afrique... Tous les discours sur la « compétitivité » oublient de s'interroger sur ceux qui édictent les règles du jeu, ceux qui l'organisent, leurs méthodes, et ceux à qui, au final, cette compétitivité va bénéficier.

    La souveraineté populaire, la démocratie, doit se regagner contre le pouvoir des capitalistes. La souveraineté des Etats s'exerce sur un territoire limité ; le pouvoir des capitalistes, et celui des multinationales en l'occurence, lui, se joue des frontières. Les multinationales ont vis à vis des Etats le pouvoir de la mobilité, de déplacer les zones de production, d'approvisionnement, au mieux de leurs intérêts. Loin que les Etats, représentants du bien public, soient en mesure des contrôler pour les obliger à respecter des règles sociales ou environnementales, ce sont les multinationales qui sont en mesure de mettre les Etats en concurrence et de les obliger à se montrer les plus « accueillants » possibles, au détriment des populations.

    Les propositions alternatives ne manquent pas pour contrôler la finance, qu'il s'agisse de la nationalisation des banques, de la socialisation du crédit, de la modification du rôle de la banque centrale européenne... Mais la question du pouvoir des multinationales, qui organisent l'activité économique à l'échelle du monde, semble bien un impensé de la réflexion critique et du mouvement social.

     


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